Depuis que je me suis installée dans les Hautes-Alpes il y a 6 mois, une montagne me fascine. Je la vois depuis ma fenêtre, elle domine la vallée de la Durance et semble inaccessible. C’est le Mont Pelvoux.
Un peu d’histoire…
Le mot Pelvoux vient de l’occitan pelve qui signifie « haute montagne ». Longtemps considéré comme le plus haut sommet du massif des Ecrins et de toutes les Alpes françaises (avant l’annexion de la Savoie), le Pelvoux est une immense montagne de neige et de roc. Depuis la vallée, sa masse imposante cache une bonne partie du massif des Ecrins.
Le Mont Pelvoux est constitué de quatre sommets distincts :
- La pointe Puiseux (3943m, point culminant)
- La pointe Durand (3932m)
- Le Petit Pelvoux (3753m)
- Les Trois Dents du Pelvoux (3683m)
Ce sont le capitaine Durand, accompagné d’Alexis Liotard et Jacques-Etienne Mathéoud (un chasseur de chamois) qui en font la première ascension le 30 juillet 1828.
Je rêve de le gravir. Et j’aimerai le faire à skis et en traversée, c’est-à-dire ne pas redescendre par le même itinéraire qu’à la montée. En effet, il est possible de rejoindre le sommet par le couloir Coolidge en face ouest et de redescendre par le Glacier des Violettes pour rejoindre ensuite le Pré de Madame Carle.
Cet itinéraire classique ne présente pas vraiment de difficultés techniques, mais reste cependant sérieux dans la recherche d’itinéraire notamment sur le glacier des violettes qui est assez tourmenté (nombreuses crevasses). C’est aussi ces raisons qui me motivent à le faire à skis (on va plus vite à la descente, avec une meilleure portance sur des ponts de neige plus solides).
L’aventure commence
Il y a un mois, le 14 avril, nous décidons d’y aller à quatre. Fabien et Yann seront en splitboard (snowboard qui se sépare en deux pour avoir deux planches aux pieds pour la montée, à la manière du ski de randonnée), tandis que Vivien et moi seront à skis.
Le créneau météo assez est court : il nous a fallu attendre deux jours après la précédente chute de neige pour le manteau neigeux se stabilise. Nous avons deux jours devant nous, sachant que le deuxième, le mauvais temps arrive en milieu de journée. Nous aviserons le matin du sommet car nous ne voulons pas effectuer la descente du glacier des Violettes dans le brouillard !
Comme nous nous sentons en forme, Vivien, Fabien et moi allons faire le couloir du Bel Serre au matin, qui nous permet de redescendre dans le vallon de Clapouse pour enchainer ensuite sur la montée au refuge du Pelvoux.
Les conditions dans le couloir ne sont pas terribles ! Il y a eut beaucoup de vent, ce qui a cartonner la neige et la rend très difficile à skier ! Nous qui pensions skier dans des gerbes de poudreuse, c’est raté ! Seul Fabien s’éclate en snowboard, fendant la couche de neige dure pour profiter de la neige fraiche qui est en dessous. Ca me donne envie de me remettre au snow, tiens !
Grosse journée au final, avec un plus de 2000m de dénivelé ! D’autant plus que les 700 derniers mètres de dénivelé pour atteindre le refuge s’effectuent les skis sur le dos car il n’y a pas assez de neige en face sud !
Un refuge perché
Au refuge, Yann nous attend. Il est allé déposer un véhicule au Pré de Madame Carle (où l’on arrivera le lendemain) et est redescendu en vélo à Ailefroide, point de départ classique pour aller au refuge du Pelvoux.
Il y a une cordée de trois Aixois et une autre composée de deux guides du coin qui ont prévu la même chose que nous le lendemain. Nous sommes donc neuf personnes au refuge, qui a une capacité de 10 en hiver. Ouf, il y aura assez de couvertures pour tout le monde ! 😉
La vue depuis le refuge est magnifique ! En face de nous, le couloir mythique du Pelas-Verney raye la face de la montagne. Les montagnes semblent dormir sous leur manteau de neige. Tout est calme, ici à 2700m d’altitude. Pas un bruit, seul le souffle du vent et de la neige qui crisse sous nos pas. Je me sens bien.
Le jour de l’ascension
Après un petit déjeuner frugal, nous partons à la lueur de nos frontales. On commence par une trentaine de mètres d’escalade facile en crampons juste derrière le refuge. Ca réveille ! Et surtout, ça creuse les écarts entre les cordées ! Les trois Aixois, partis juste avant nous, se retrouvent bientôt loin derrière, manquant un peu d’aisance dans ce type de terrain.
Après cette partie rocheuse, on peut chausser les skis pour rejoindre la Bosse de Sialouze sous les Rochers Rouges. Là, une grande traversée, puis une montée un peu raide où l’on doit à nouveau déchausser pour remettre nos crampons nous permettent de rejoindre le Glacier de Sialouze. Les premières lueurs du jour nous cueillent alors que nous arrivons au pied du couloir Coolidge, et le ciel s’embrase des lumières du matin.
Le Coolidge est un couloir d’environ 400m, de 35-40° que l’on remonte pour arriver sur le Glacier du Pelvoux. Comme les conditions sont plutôt sèches (peu de neige), nous montons en crampons avec les skis sur le sac.
Arrivés sur le glacier, nous pouvons à nouveau chausser les skis pour rejoindre le sommet du Pelvoux, la Pointe Puiseux, culminant à 3943m. La fin est débonnaire, et cela m’a toujours effarée. Depuis la vallée, cette montagne semblait si infranchissable, alors que son accès n’est finalement pas si technique. Mais quelle ambiance ! Et quelle vue ! Nous semblons dominer tout le massif des Ecrins ! Fabien verse même quelques larmes tant il est ému ! Nous sommes vraiment heureux d’être là, ensemble et de pouvoir partager ce sommet, d’autant plus que c’est une première pour nous quatre.
Nous prenons le temps de boire un thé et manger un peu, mais les nuages qui s’amoncellent au loin ne sont pas de bonne augure : il ne faut pas trainer. Nous nous équipons pour la descente, et lorsque nous entamons les premiers virages, l’équipe des Aixois émerge du sommet du Coolidge, ce qui nous rassure, car ils pourront suivre nos traces à la descente, si le mauvais temps arrive plus tôt que prévu.
La descente, enfin !
La première partie sur le glacier est un régal ! La neige fraiche et la pente douce nous permettent de skier sereinement tout en pouvant embrasser le paysage grandiose qui s’offre à nous. J’aperçois même ma maison tout là-bas, au fond de la vallée ! La pente devient ensuite plus raide alors que nous arrivons sur le Glacier des Violettes, et le glacier beaucoup plus ouvert, exposant ses énormes crevasses à nos yeux. Nous restons rive gauche comme indiqué sur le topo que nous avons soigneusement étudié.
Une étroiture nous oblige à faire un court rappel, puis nous cheminons entre les trous béants et les séracs, alors que le brouillard nous enveloppe. La tension monte d’un cran, mais heureusement, nous nous échappons rapidement du nuage, qui tel un chapeau semble avoir coiffé le Pelvoux. Nous sommes contents d’être passés en dessous de cette nappe nuageuse et avons une pensée pour les autres cordées derrière nous. Ca va être ambiance pour eux, mais ils pourront toujours suivre nos traces, ce qui est rassurant.
Puis nous arrivons à la combe du Serre du Riou, où nous pouvons enfin relâcher un peu la pression. Nous sommes sortis du glacier et la neige est sympa à skier alors nous nous en donnons à cœur joie !
Il nous reste enfin la fameuse traversée exposée pour arriver au Pré de Madame Carle, mais nous sommes dans les temps prévus et tout va bien.
Lorsque nous arrivons à la voiture, il est 11h, comme prévu. Yann avait prévu quelques bières pour notre retour, alors nous profitons des derniers rayons de soleil pour nous rafraichir et observer la montagne que nous venons de gravir. Toujours la tête dans les nuages, le Pelvoux semble à nouveau impressionnant et j’ai du mal à me dire que nous avons cheminé sur ses flancs et foulé son sommet.
Une bien belle aventure en tout cas, que j’ai hâte de partager avec des clients cette fois, et en été !