Nous sommes partis de Genève le 28 mai. Nos vols ont été annulés trois fois en raison du COVID, mais nous avons fini par nous retrouver à l’aéroport de Genève !

Genève – Istanbul – Moscat (Oman) et enfin Islamabad. Nous atterrissons à Islamabad vers 14h. Il nous faut nous soumettre à un test PCR version Pakistanaise : on t’enfonce pas trop le « coton tige » dans une narine pendant une demi-seconde et le tour est joué !

Ouf !

5 minutes plus tard, on te note un gros « N » au marqueur sur le dos de la main signifiant que tu es négatif. Il suffit ensuite de lever la main au passage du premier barrage, les douaniers hochent la tête en lisant le fameux « N » et te laissent passer.

Puis c’est le tour des visas et nous pouvons accéder à nos bagages ! Il ne reste plus grand choses sur les tapis et nos duffle bags colorés se distinguent nettement.

On les charge sur des chariots, on a tout ! Ou presque… Il manque nos housses à skis, qui voyageaient en bagage spécial. On se rend au guichet des bagages perdus où un Pakistanais nous fait remplir un formulaire papier, nous insistons pour qu’il entre nos références bagages dans un système informatique mais il rétorque « later, later, not here ! ».

On est un peu abattus et inquiets par la manière archaïque dont s’est faite cette procédure, mais nous finissons par quitter l’aéroport vers 17h.

Equipe expédition Pakistan

L’équipe au départ de Genève

AMBIANCE ORIENTALE

Un souffle chaud nous cueille à la sortie et tout de suite, le bruit des klaxons et les cris des taxi-man me rappellent que je suis à des milliers de kilomètres de chez moi. Ishaq et Nawaz nous accueillent chaleureusement. Tiphaine et Boris les connaissent pour avoir déjà eut à faire à eux sur leurs précédentes expéditions.

C’est leur 3eme fois au Pakistan. Arrivés à l’hotel, on fait le point. Nous sommes samedi après midi et le dimanche, tout est fermé et il n’y a pas de vol (à cause du covid, le nombre de vols a diminué de plus de moitié !).

Le lundi, nous retournons à l’aéroport pour retrouver nos bagages et ce n’est que le soir qu’on apprend que nos bagages ont été localisés et arriveront le mercredi à 4h du matin ! Nous les chargeons sur le toit d’un mini van et entamons la route pour Gilgit.

LA FAMEUSE ROUTE KARAKORAM HIGHWAY

bus-pakistan

En route !

Les premières heures se déroulent sur des routes « normales », même si la conduite des Pakistanais est assez stressante ! La ceinture de sécurité ne fonctionne pas, mais le pire reste à venir, et bientôt, nous attaquons une piste taillée à flanc de montagne, entrecoupée tous les kilomètres par des gigantesques glissements de terrains et dominant une énorme rivière aux eaux grises et tumultueuses.

Les paysages sont à couper le souffle, mais les chinois ont décidé de construire un immense barrage, détruisant ainsi les bords de la rivière a grand coup de bulldozers et de camions bennes.

bus-pakistan-tata

Les fameux « tatas »

barrage pakistan

Nombreux barrages militaires sur la route

L’échelle ne semble pas la même dans ce pays: la hauteur des montagnes, la longueur des vallées, la puissance des rivières… Nous entrevoyons l’immense pyramide du K2 au loin juste avant que la nuit tombe, et c’est vers 22h que nous arrivons à Gilgit. Quatorze heures pour faire 600km ! Nous rencontrons Mussa, notre cuisinier et Mohammed notre chef logistique, accompagné de son fils Mohammed Jr, dit Jason (allez savoir…). Ils sont tous les 3 très sympathiques !

Le lendemain de bonne heure, nous préparons nos affaires pour aller nous acclimater une dizaine de jours dans la région de Darkut, une vallée perdue et méconnue dont nous avons obtenu le permis avec difficulté. Le projet est de partir une dizaine de jours en autonomie dans une région sauvage, afin de nous acclimater à skis.

Lorsqu’on a pour objectif un sommet de 8000m, cela demande du temps car notre organisme doit s’habituer au manque d’oxygène lié à l’altitude. Il faut donc commencer par des sommets de moins hauts : d’abord 5000m, puis 6000m …

UNE ACCLIMATATION PREVUE A DARKUT…

Les sacs sont lourds, car nous devons prendre notre matériel de bivouac (tente, duvet, matelas, réchaud, nourriture…), en plus de notre équipement d’alpinisme et de ski (crampons, piolets, cordes, broches à glace…). Par ailleurs, le dernier village accessible par une piste se trouve à environ 3000m, tandis que l’on rencontre la neige entre 4000 et 4500m, ce qui veut dire que nous devrons porter les skis et les chaussures sur plus de 1000m de dénivelé ! Une sacrée aventure en perspective !

La route, bien que chaotique, est magnifique !

Puis c’est le drame ; au bout d’1h30, notre voiture s’arrête et Mohammed nous annonce : « there is a strike. Its’ not good ! »

Il y a un barrage à quelques kms en amont, causé par des manifestants violents qui dénoncent la non prise de position du gouvernement face à des paroles prononcées à l’encontre du prophète par des Palestiniens.

Cette histoire nous met la puce à l’oreille et nous rappelle qu’il y a quelques semaines, c’était des émeutes anti français qui secouaient le pays pour à peu près les mêmes raisons.

Mais ce n’est pas tout : un autre barrage s’est monté derrière nous, nous coupant la route. Nous sommes coincés ! La tension monte d’un cran et alors que nous nous installons dans le jardin ombragé d’une sorte de café, nous tentons de creuser un peu, mais Mohammed n’en dit pas plus.

Au bout de 2h d’attente, nous allons nous promener dans les montagnes qui dominent le village et pour plaisanter, examinons les possibilités de retraite si ça devait tourner au vinaigre. Nous commençons aussi à songer à un plan B, car si la vallée de Darkut n’est plus accessible il nous faudra aller nous acclimater ailleurs! En fin de journée, le barrage derrière nous se lève, nous permettant de rentrer à Gilgit. Retour à la case départ !

De retour à la Guest House, nous passons la soirée sur les cartes, les forums et à passer des coups de téléphone pour trouver un plan de replis valable pour aller skier. Nous irons explorer la vallée de Bagrote, qui domine Gilgit. Il semble y avoir des sommets intéressants, de différentes altitudes et cette zone ne requiert aucune autorisation.

…QUI SE FERA FINALEMENT A BAGROTE !

Le lendemain, nous prenons la route pour Daar Bagrote, dernier village accessible par une piste 4×4, où nous attendent une quinzaine de porteurs et quelques chevaux. C’est la première fois que je fais appel à des porteurs et cela me met un peu mal a l’aise, mais Tiphaine me rassure en me disant qu’ici c’était un boulot plutôt bien payé et que les porteurs ne portent pas plus de 25kg (bien moins que ce que nous allons porter par la suite !). Nous répartissons le matériel et chacun part à son rythme.

Nous remontons une vallée boisée jusqu’à prendre pied sur un glacier couvert de sable et de roches. Le paysage devient assez austère, dominé par des géants blancs a l’allure dramatique : le Rakaposhi et le Diran, tous deux culminant à plus de 7000m! Puis nous longeons la moraine qui nous permet de déboucher à ma grande surprise sur un écrin verdoyant.

Sous mes yeux s’étale un immense plateau d’herbe rase ou paissent quelques moutons, vaches et chevaux. Une rivière le traverse et quelques bergeries éparses complètent ce tableau enchanteur. Et au fond, ces immenses montagnes blanches aux énormes glaciers et séracs menaçant… Le contraste est magique et me donne envie de pleurer… C’est bon, c’est ce que je suis venue chercher.

Nous montons notre tente avec Guillaume tandis que Tiphaine et Boris montent la leur. Mohammed a lui aussi une petite tente et Mussa et Jason s’occupent de la tente cuisine, immense, dans laquelle on peut tenir debout. Un réchaud double feux a essence en fer massif, une batterie de casseroles, poêles, vaisselle en tout genre et beaucoup de nourriture !

trek pakistan
camp de base pakistan

Les porteurs traînent encore un peu, discutent avec nous puis finissent par s’en aller en nous faisant de grands signes de la main. Que pensent-ils de nous, les étrangers blancs venus pour gravir ces montagnes infranchissables ? Je ne peux m’empêcher de penser que nous sommes tous humains, nous vivons tous sur cette planète mais qu’il existe tant de différences de cultures et de peuples. Sans parler dans le cas du Pakistan de la place de la femme, elles travaillent aux champs ou la maison pendant que les hommes sont à l’ombre des auvents des bouibouis.

De la même manière, Ishaq ne s’adresse qu’aux hommes pour régler les questions logistiques. Ici dans notre écrin de paradis nous serons protégés de cela. Demain, nous irons flirter avec l’altitude du Mont Blanc, depuis notre camp de base situé à 3300m d’altitude.

L’aventure commence enfin !

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