Dépassement de soi, connexion avec la nature… S’il y a bien un sport riche en sensations, c’est l’alpinisme ! C’est à travers le regard d’Aurélia Lanoe, future guide de haute montagne qu’on entrevoit une journée de goulotte aux Têtes Sainte Marguerite. Après un mois et demi de ski de rando quasi sans interruption, c’est une reprise de l’alpinisme en « douceur », accompagnée de ses deux co-équipiers Jeremy et Damien eux aussi guides confirmés. Passionnée d’alpinisme elle nous amène avec elle à la découverte de la goulotte aux Têtes Sainte Marguerite pour une journée riche en émotion. En ce vendredi 12 mars, ils décident avec deux collègues guide Jérémy et Damien, d’aller faire la goulotte Grassi en face Nord de la Tête Sainte Marguerite, au dessus de Monêtiers-les-Bains, dans les Hautes-Alpes.

Mais une goulotte, c’est quoi au juste ?

Une goulotte, c’est une formation de neige compacte et/ou de glace se formant dans les dièdres et les cheminées. On peut les gravir à l’aide de piolets et de crampons. On parle d’escalade mixte car on alterne les passages de neige, de glace et de rocher. C’est une activité que j’adore, qui est variée et ludique et il existe en existe de tous niveau, de débutant à engagé !

Le rendez vous est pris à 7h30 pour covoiturer. Le temps maussade et gris nous semble idéal pour aller grimper : ce serait frustrant d’aller grimper à l’ombre, dans une gorge encaissée alors que le soleil brille !

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Un oubli de matériel, que faire ?

L’approche jusqu’au pied de la face s’effectue à skis. Il y en a pour une petite heure. Alors que nous discutons en avançant, je me rends compte que j’ai oublié mon baudrier dans mon sac de la veille, car j’en ai eu besoin lors d’une sortie à skis !

Mon cœur s’accélère… Quelle erreur ! Que faire ?

Rentrer à la maison ? Je n’en ai pas envie… Nous discutons tous les trois et je choisis l’option baudrier de fortune fait avec des sangles. Nous décidons aussi que je ne grimperai pas en tête pour éviter les risques de chute. Après tout, cette technique du baudrier de fortune, on nous l’enseigne à l’ENSA (Ecole Nationale de Ski et d’Alpinisme, qui forme les guides de haute montagne), et Jérémy m’explique qu’il fait cela régulièrement lorsqu’il doit faire un rappel en ski et qu’il n’a pas de baudrier… Ce ne sera pas le plus confortable, mais ça fonctionne en termes de sécurité. Ouf… Nous repartons. Comme quoi une erreur est vite arrivée, mais avec un peu d’ingéniosité, il existe souvent des solutions aux problèmes !

Les choix de l’itinéraire : entre lecture de topo et instinct

Arrivés au pied de la face, nous nous équipons : piolets, crampons, corde et le fameux baudrier… Et hop les skis sont accrochés sur les sacs.

La première longueur, très sèche, se contourne par le rocher et est même équipée d’un câble ! Ensuite, ça déroule dans un couloir encaissé, alternant les passages de glace, neige et rocher.

Ca fait du bien de se retrouver en montagne et de grimper dans cette ambiance austère. Après toutes ces journées de ski, je commençais à être en manque d’alpinisme pur !

Damien nous offre même des petites variantes un peu plus techniques avec de beaux coincements de lames de piolets dans les fissures 😉 L’une de ses fantaisies sur l’itinéraire nous oblige cependant à redescendre une longueur en rappel pour reprendre l’itinéraire classique. Mais la bonne humeur est de mise et nous sommes en avance sur l’horaire annoncé dans le topo.

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En alpinisme, la sécurité avant tout !

A la sortie de la goulotte, l’itinéraire original traverse sur la gauche, dans des pentes de neige pour rejoindre une épaule. Mais devant nous se dresse une jolie arête rocheuse assez sèche sur laquelle le cheminement semble possible. Nous décidons alors de finir l’ascension par un peu d’escalade.

Il s’agit d’être prudent et concentré. Damien part devant, et pose ses protections (appelées « friends ») afin d’assurer sa sécurité et la notre. Lorsque l’escalade se fait moins raide, nous évoluons en technique de « corde tendue » qui consiste à avancer tous ensemble en gardant la corde tendue entre nous pour éviter les chocs sur ses compagnons de cordée en cas de chute. La sécurité de la cordée repose alors sur le fait que la corde louvoie entre des becquets rocheux, ce qui crée une friction et permet à la corde de freiner ou de se bloquer en cas de chute. Cette technique permet d’avancer rapidement sur les terrains plus faciles mais aériens.

C’est donc en chaussures de ski, les skis toujours sur les sacs et les mains gelées sur le rocher froid que nous grimpons les derniers mètres. Ambiance alpine garantie !

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La Goulotte de la Tête Sainte Marguerite : une ascension mixte

Nous débouchons sur la Tête Sud des Saintes Marguerite. Malgré une bonne brise qui souffle, il ne fait pas froid et nous nous abritons un peu en dessous du sommet pour nous désaltérer et manger un morceau.

On range ensuite le matériel d’escalade pour rechausser les skis. La descente s’effectue sur l’autre versant, en face sud et la neige, chauffée par les températures douces est plutôt bonne. Alors que nous entamons les premiers virages, une harde d’une trentaine de chamois se met en branle à quelques dizaines de mètres en contrebas.

Nous regardons fascinés ces agiles chèvres des montagnes galoper au milieu des barres rocheuses pour aller s’abriter sur un promontoire rocheux un peu loin de nous. J’adore ce genre de moment. Je les appelle les cadeaux de la Nature.

Une descente en ski de randonnée mémorable

La première partie de la descente est agréable, et je garderai juste le souvenir mémorable du magnifique « tête-pieds » de Damien (heureusement sans gravité !). Pourtant très bon skieur, Damien avait sans doute oublié qu’il avait aux pieds des skis ultralight beaucoup trop petits pour lui et il a planté les deux spatules avant dans la neige. Ca ne pardonne pas !

Plus de rires que de mal, nous repartons alors que la neige se fait de plus en plus lourde et collante au fur et à mesure que nous descendons.

La dernière partie, en forêt est vraiment joueuse et se transforme en boardercross. Il faut être vif et réactif sur les skis si l’on ne veut pas se prendre un arbre !

Une journée entre escalade mixte, ski de rando, et ski de fond

Nous débouchons finalement sur les pistes de ski de fond. Leur état fait peine à voir : des touffes d’herbe et des flaques émergent un peu partout. On dirait la fin de saison ! J’espère secrètement que la neige va revenir car j’ai encore envie de profiter de belles journées à skis !

Pour terminer cette journée, quoi de mieux que 3km de skating avec skis de rando aux pieds et sac à dos chargés ?

Jérémy, connaissant mon passé de compétitrice de ski de fond me lance au défi et part à bloc avec une technique bien à lui (tout sur les bras !) qui m’empêche de trouver mon souffle tellement il est drôle à regarder ! Quel bourrin ! Je me mets dans le rouge pour parvenir à le rattraper, Damien sur mes talons. Nous croisons quelques skieurs de fond amusés qui nous regardent passer en se demandant à quel jeu étrange nous jouons dans cet accoutrement.

« Entrainement ! » leur crie Jérémy au passage, en guise d’explication.

Les jambes et les poumons me brûlent, et je pense que c’est la même chose pour les gars. Le village du Casset apparait enfin en ligne de mire, puis le parking et la voiture. Enfin ! Nous arrivons essoufflés et les jambes tremblantes mais heureux de cette belle journée passée ensemble dans la montagne.

On déchausse, on charge la voiture et on s’offre même le luxe d’une petite bière locale servie à emporter sur le front de neige de Serre Chevalier.

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Morale de l’histoire…

Lorsqu’on est passionné de sports de montagne, la problématique qui se présente est que l’on ne peut pas tout faire tout le temps, et qu’il faut faire des choix dans ses pratiques.  Il y a les saisons (celle du ski, celle de la glace, celle de l’escalade…), il y a aussi les conditions, la météo, la disponibilité des partenaires de cordées… Autant de facteurs qui font qu’il peut être difficile d’être régulier dans sa pratique. Pour ma part, cette journée a été très riche pour moi car elle m’a fait prendre conscience que même lorsque l’on a l’habitude, il suffit d’un petit manque d’attention pour oublier un accessoire qui pourrait être réellement problématique (sans mes crampons par exemple, je serai rentrée à la voiture ! pas de système D possible raisonnablement). Je n’avais pas fait d’alpinisme depuis un moment, et j’ai donc oublié mon baudrier ! En conclusion il faut donc être rigoureux, quel que soit le niveau de pratique, et quelle que soit la régularité de l’activité !

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