Nous sommes confortablement installés, sur notre plateau perché aux milieux des montagnes, mais seulement pour les rejoindre, il y a encore de l’approche !
LE DEBUT DE L’ACCLIMATATION
Le lendemain de notre arrivée, nous partons baskets aux pieds et skis sur le sac, nous remontons les pentes boisées, des grands pins et des bouleaux, alors que nous sommes à plus de 3500m d’altitude ! Puis, nous sortons de la forêt pour rejoindre le fil d’une arête, d’abord rocheuse puis enneigée.
On troque les baskets pour les chaussures de skis et les crampons. Nous avons tous pris l’option de chaussures de ski légères, et de mon coté, j’ai choisi les Dalbello Quantum Asolo Factory. Nous continuons ainsi jusqu’au sommet. 4800m, une vue grandiose sur l’immense glacier tourmenté qui se meurt plus loin dans la vallée. Du sommet, nous observons les potentielles lignes que nous pourrions skier, car notre préparation ne s’est faite qu’à partir de cartes 3D sur Internet.
La descente se fait ensuite dans une neige de printemps hyper agréable à skier.
Vue depuis le camp
Tiphaine devant les géants de 7000m !
Le lendemain, ce sont les grands préparatifs: nous partons pour 4 jours en autonomie, mettre un camp à plus de 4000m et monter plus en altitude pour habituer nos corps.
Les sacs sont énormes et lourds, et les 1000m de dénivelés pour atteindre le glacier se font sentir ! Nous établissons un camp de base au début du glacier, avec une vue magnifique ! Guillaume ne se sent pas bien, moi non plus… Mal à la tête, nausée…
Le doute me traverse : et si je n’étais pas faite pour l’altitude ?
UN PREMIER SOMMET A TROIS
Nous partons gravir le Darshan Peak, sommet de 5400m à la fin très raide et effilée. Nous profitons d’une sieste au sommet, il fait beau et pas de vent ! C’est incroyable ce panorama ! En face de nous, le Nanga Parbat (un sommet de plus de 8000m !) nous nargue. Boris et Tiphaine y étaient il y a 2ans et le sommet avait échappé de peu à Tiphaine…
La descente est un peu exposée mais terriblement esthétique pour rejoindre notre camp. La neige est plutôt bonne et mes skis VOLKL Rise Above, en 88 au patin sont très agréables à skier ! C’est un super compromis entre légèreté, maniabilité et rigidité, et je me fais bien plaisir !
Ambiance raide dans la descente !
UN COMPAGNON PAS AU MIEUX DE SA FORME
Il nous faut remonter le glacier jusqu’à une épaule qui nous permet de basculer sur un autre vallon. La descente avec l’énorme sac dans une neige qui a figé les boulettes d’avalanche est tout simplement horrible !
J’ai les cuisses en feu, essayant à chaque virage de calmer le claquement de mes skis. Petite pause sur le glacier de l’autre côté avant de remettre à nouveau les crampons aux pieds et les skis sur le sac pour rejoindre le col où nous planifions de poser le camp.
Boris est devant et fait la trace dans la neige molle de la face sud. Il est infatigable, tandis que Guillaume lutte derrière. Le col n’est pas large, mais avec un peu de terrassement à la pelle, nous nous faisons un petit nid douillet pour nos 2 tentes !
L’après-midi se déroule dans les tentes, à siester devant des séries Netflix sur le téléphone (bienvenue dans la réalité des expés du XXIe siècle !).
Départ matinal sur l’arête
Descente esthétique sur le fil
Lorsque nous arrivons au camp de base, Mohammed, Moussa et Jason nous accueillent ravis, nous disant qu’ils ont suivi notre descente aux jumelles et que c’était beau !
Retour au camp de base !
UNE NOUVELLE TENTATIVE POUR LA VALLEE DE DARKUT
La météo semble tourner au mauvais, et nous avons rempli nos objectifs dans cette vallée de Bagrote. Décision est prise de retenter d’aller à Darkut pour aller chercher des sommets de plus de 6000m cette fois.
Le lendemain, les porteurs reviennent et pendant que certains boivent le thé, nous faisons un match de foot franco-pakistanais avec le ballon que j’avais ramené. Ca secoue, les sprints à 3300m d’altitude ! Cette journée était censée être une journée de repos, car le lendemain, nous repartons vers Darkut !
Tiphaine avec le glacier de Bagrote en fond
DECOUVERTE D’UNE NOUVELLE REGION
C’est fatiguée que j’entame cette nouvelle partie de l’aventure. Pour rejoindre Darkut, il y a environ 7h de jeep sur une route qui devient de plus en plus mauvaise. C’est incroyable de voir cette suite de villages animés dans des zones si reculées!
Au dernier village, on charge nos sacs qui pèsent bien leur 25kg sur le dos, et on remonte la vallée sur une dizaine de kilomètres pour poser un premier camp au début de la moraine. Cette fois si, pas de porteur, et nous sommes juste tous les 4.
Au loin, deux géants nous dominent de leur 6000m : les Garmush Zom 1 et 2. Nous aurons encore presque 1000m de portage avant d’atteindre le glacier et de pouvoir enfin chausser les skis. Nous mettrons un 2ème camp au pied du Garmush Zom 1.
MANQUE DE FORME
Lorsque nous partons le lendemain à l’aube, mon corps semble vouloir faire grève et rechigne à chaque pas.
Bientôt, la pente se raidit et nous mettons les crampons aux pieds et les skis sur le sac. Il fait froid, et j’ai les mains glacées alors que je porte encore la grosse doudoune. La rimaye (crevasse qui sépare une pente de neige ou de rochers du plat du glacier) passée, nous évoluons non encordés, chacun à notre rythme. Mon esprit s’emballe, tout est remis en question : qu’est ce que je fais là ? Est ce que j’ai vraiment ma place? Le mental peut très vite chavirer quand le corps est fatigué.
Au bout d’un temps qui semble s’être étiré à l’infini, j’arrive au col, avec une vue incroyable sur l’autre côté : la fameuse vallée du Chiantar ! Jalousement gardée, cette zone de no man’s land encore militarisée il n’y a pas si longtemps, est à la frontière de l’Afghanistan. C’est là que nous voulions aller en premier choix, mais le permis ne nous a pas été accordé.
UN PREMIER 6000
Les traces filent vers la droite, et je lis sur la neige que mes compatriotes se sont encordés pour cette partie. Je suis prudemment leurs pas et bientôt je discerne la veste orange de Tiphaine au loin! Je pousse un cri de joie, elle se retourne et m’aperçoit. Les deux autres apparaissent à leur tour et me lancent des encouragements et des sifflements. Lorsque j’arrive à leur niveau, j’ai un regain d’énergie.
Je suis au sommet de mon premier 6000m !
On se prend dans les bras, on se félicite, on est trop heureux ! On patiente une petite heure, avant de se mettre en route pour la descente. C’est raide, exposé et encore bien gelé! Une fine couche de neige dure camoufle la glace vive, ça fait rêver ! Piolet dans une main, (merci le Guly de Petzl, léger et technique ! ), bâtons dans l’autre, je me félicite d’avoir les carres bien affûtées ! La première partie se fait en dérapage, prudemment. Plus bas, le soleil a joué son rôle et la neige est plus tendre et enfin skiable. Quelle ambiance !
C’est presque 1200m de couloir raide et rectiligne qui mènent jusqu’au glacier, en contrebas ! Je suis concentrée à l’extrême : une chute et c’est la glissade jusqu’en bas !
Nous nous arrêtons régulièrement pour nous attendre et prendre quelques images, profitant de ces pauses pour admirer le panorama grandiose autour de nous.
La descente sera technique jusqu’en bas. Les quelques virages dans la neige de printemps pour rejoindre le camp seront le meilleur ski de la journée !
Je suis exténuée mais heureuse, doutant cependant d’être de la partie pour l’ascension du sommet voisin prévue le lendemain.
Mon ego en a pris un coup aujourd’hui, et je vais essayer de rendre positif cette belle leçon d’humilité …